Maurice BENADON
Dans cet extrait, Maurice Benadon raconte son empressement à rentrer en France après la libération du Vaihingen. Alors qu’il se dirige en camionnette vers Strasbourg, il est finalement hospitalisé pendant quelque temps dans la ville de Spire.
Maurice Benadon est né le 2 août 1914 à Thessalonique (anciennement Salonique, Grèce). Son père, Marc, est acheteur de tissus pour une maison appartenant à la famille de sa mère. Son travail le conduit à sillonner l’Europe. Sa mère, Henriette, n’exerce pas de profession. Maurice a une sœur et un frère aînés. Il a également une sœur cadette.
Le grand-père maternel de Maurice est rabbin honoraire de Salonique.
La famille parle le ladino et le français ; elle respecte les fêtes et les traditions religieuses. Maurice fréquente l’école Gattegno, une école juive.
Marc et Henriette Benadon se résignent à quitter la Grèce pour des raisons économiques. « Imbus de culture française », comme le raconte leur fils Maurice, ils choisissent d’émigrer en France aux alentours de 1927-1928. Arrivée à Marseille, la famille s’installe à Paris. Marc Benadon réussit à acheter un petit magasin de tissus dans le Sentier, avec l’aide de son gendre, un Juif polonais lui-même tapissier.
La famille habite à Aubervilliers puis à Paris rue du Mail. Vers 17 ans, Maurice quitte le lycée et devient apprenti mécanicien dentiste. Le contexte économique n’est toutefois pas favorable et Maurice travaille finalement aux côtés de son beau-frère tapissier. Il est naturalisé en 1939 et se marie.
Militant antifasciste, Maurice est proche du parti communiste. Il agit bénévolement auprès des réfugiés allemands. Il se souvient avoir été profondément bouleversé par le pacte de non agression germano-soviétique.
En 1941, la famille part en ordre dispersé en zone Sud. Elle loue une maison à Juan-les-Pins. Maurice est embauché quelques mois comme manutentionnaire à la gare de marchandise de Cannes. Son frère s’installe à Lyon. Sa petite sœur passe quant à elle en Suisse. Le père de Maurice décède d’une crise cardiaque. Sa mère sombre dans une profonde dépression. La vie devient particulièrement dure sous occupation allemande, à partir de septembre 1943.
Maurice rejoint Lyon à son tour. Il entre dans les groupes de combats de l’Union des Juifs pour la résistance et l’entraide (UJRE), liés aux Francs-tireurs et partisans – Main d’œuvre immigrée (FTP-MOI). Son groupe se livre notamment à l’attaque des locaux de l’UGIF, dérobant et détruisant le fichier des Juifs.
Maurice Benadon finit par être arrêté le 29 juin 1944 par des membres du parti populaire français (PPF) dans le cadre d’un ramassage systématique des hommes destiné au STO en Allemagne. Identifié comme juif, il est envoyé à la Gestapo où il subit de violents interrogatoires. Emmené à la prison Montluc, il y demeure près de quinze jours avant d’être transféré au camp de Drancy. Il est déporté à Auschwitz par le convoi du 31 juillet 1944.
À Auschwitz I, il est affecté à la construction de routes et à d’autres travaux de force.
Quelques mois plus tard, il est transféré au camp du Stutthof. Évacué par la suite au camp de Vaihingen, il attrape successivement la dysenterie et le typhus. Il est libéré en avril 1945 par la première armée française. Désireux de rentrer au plus vite, il monte dans une camionnette qui part pour Strasbourg. Lors d’un arrêt à Spire, il est transféré dans un hôpital pour y être soigné. Il rentre par la suite en train à Paris et passe par l’Hôtel Lutétia.
Il retrouve les siens, qui ont survécu, ainsi que sa femme Simone, qui a accouché d’un fils à Thonon-les-Bains le 10 juillet 1944. En convalescence, Maurice Benadon attend deux ans avant de pouvoir retravailler avec sa sœur et son frère aînés, dans la boutique de textile de leur père qu’ils ont réussi à récupérer.
Maurice et Simone Benadon ont eu deux autres enfants après la guerre.
L’interview a eu lieu le 9 juin 1995 à Paris. Elle a été réalisée par Danielle Littechewsky (© USC Shoah Foundation).